Lovers Leap – Nouvelle Zélande

Moutons

Il y a des falaises qui vous marquent comme votre première fois en haut du verdon en jetant les brins de rappel plein vide.
La falaise de « Lovers Leap » fait partie de celles qui me marqueront.

Je n’avais, en 30 ans, jamais grimpé sur des orgues de basalte, une roche noire aux formes hexagonales.

Dans le topo, une simple photo en noir et blanc ne donnant rien de très spectaculaire,alimentait le descriptif.

Une fois sur le parking, accompagné de notre ami le vent qui ne nous quitte pas depuis 3-4 jours on prépare le sac vite fait avec 2 racks de friends. Puis une mise en jambe entre les moutons et prairies verdoyantes nous amène au dessus de la falaise. Elles sont là mes colonnes de basaltes, dans un cirque au dessus de l’océan.

Le descente, sur une arête mi rocher mi herbe, commence directement à pic. La prairie, si on peut appeler ça une prairie, domine une falaise au dessus du grand bleu. L’ambiance est au rendez vous. Où ai je mis mes crampons? Petite desescalade de touffes d’herbe en touffes d’herbe, nous voilà à pied d’œuvre.

La raideur est présente et on sent d’entrée de jeu qu’il va falloir s’appliquer, sensation accentuée par le cliquetis des chaînes balancées par le vent sur le rocher. Elles pendent plein vide sur 4-5 mètres pour remonter et passer la base en rocher pourri. Tu n’as pas encore commencé à grimper que le gaz est là.

Je revisite le topo, cherchant une voie agréable et dans laquelle je garderais toute ma dignité.
Mon choix se porte sur un 6b tout fissuré…
Après une adaptation sur les quelques premiers mètres, l’adhérence est magique et la pose des « friends » est comme on dit  « ce sont des pièges à friends, il n’y a qu’à les jeter ».
Les fissures un peu sales sont de grande beauté et la gestuelle sur les verticales me régalent et laisse libre court à mon corps pour s’exprimer verticalement. Je m’emballe vous l’avez compris ….. l’escalade est sympa.

La journée se déroule sous un grand soleil à l’abri vent mais elle finira avec les courants d’air et les rafales de plus en plus fortes. Nous revoilà en Nouvelle Zélande pendant un moment j’ai bien cru qu’on avait été téléporté.
Le vent en devient si fort que l’eau qui alimente la cascade ne tombe plus mais remonte à la verticale. D’un autre côté on est dans l’hémisphère Sud l’eau devrait couler dans l’autre sens… Soit
Quand arrive le moment de remonter notre talus-arête herbeux. Le vent fait rage, on se retrouve à 4 pattes pour ne pas dévaler la pente d’herbe au dessus de l’océan. Cette fois ma dignité est belle et bien perdue.
Je tire, je m’agrippe, j’en viens presque à mordre dans l’herbe pour me tenir et me hisser en haut de ce fichus talus.
J’ai l’impression qu’il est tellement raide que même Kilian Jornet ferait des Z pour monter.
Mais tout a une fin, je recroise mes moutons. La bière à la voiture nous attend.
L’histoire pourrait s’arrêter là, pourtant quand vient le moment de se demander où va t on et où est le topo? Personne n’a repris le topo!!
Misère de misère.

Armé de mon courage et de la fin de ma bière je redescends ma colline (à force elle devient de plus en plus plate) je reviens au pied de la falaise.  Pour retrouver le topo qui m’attend sagement à côté de mes chaussons. Et oui mon sac me paraissait bien vide et léger lors de la première remontée.
Cette fois l’histoire se termine à notre bivouac en bord de plage, en savourant les fraises de Nouvelle Zélande. On dort à la belle étoile et la pluie commence à tomber, je me revois en train de courir dans le sable, pluie battante pour aller chercher la tente mais c’est une autre histoire.